En mars 2016, lorsque j’ai demandé à une connaissance, cadre dans une grande ONG, si des bénévoles étaient recherchés pour la Grèce, on s’est gentiment moqué de moi. « Tout est sous contrôle », m’a-t-on répondu. « Mais si tu parles arabe ou farsi, on peut en discuter ». Je me félicite de ne pas l’avoir écoutée. Et je suis partie à Chios, pour un premier séjour de 10 jours. Séjour suivi de multiples autres. Chios où j’ai passé près de la moitié de mon temps d’avril 2016 à juillet 2021.
Mes premiers pas dans le travail de terrain se sont fait dans le cadre de l’équipe Chios Eastern Shore Response Team, avant d’oeuvrer en indépendante, dans une étroite collaboration avec d’autres organismes locaux. J’ai assisté, impuissante, à la construction d’un camp de fortune sur le port, après qu’une rixe dans le camp de Vial géré par les paramilitaires grecs ne dégénère. A sa destruction quelques jours plus tard par un groupe d’extrême droite, sous les yeux de la police. J’ai assisté, impuissante encore, aux vagues de froid qui ont paralysés les réfugiés logeant sous tentes sur la plage. Puis aux vagues de froid, puis de chaleur, au manque d’eau. A tant de violence, sous des formes diverses. J’assiste, impuissante toujours, aux manques cruels dans l’assistance supposée être dispensée par des ONG officielles, à la corruption de fonctionnaires mandatés par l’Union Européenne même, aux pushbacks toujours plus nombreux, à l’utilisation du COVID pour isoler plus encore les réfugiés. En cet automne 2021, j’assiste également à l’ouverture du premier camp financé par l’Union Européenne, une prison qui n’en a pas le nom…
J’ai vu tant de souffrances qui auraient pu et pourraient encore être évitées si le monde réagissait enfin. Des mineurs maltraités dans des institutions reconnues. Des hommes pleurer sur la déshumanisation infligée. Des parents plein de culpabilité en regardant leurs enfants. Des yeux plein de peur. Des forces et espoirs anéantis. Alors, avec tant d’autres, j’ai dit « NON ». Et parce qu’il est plus efficace d’agir à plusieurs, j’ai pris l’initiative de constituer CHOOSEHUMANITY.
Mon souhait ? Que nos actions puissent contribuer à soulager la souffrance des personnes déplacées, ici et ailleurs. Que cette association puisse s’épanouir dans le respect de chacun-e, de ses idées, des limites de leur engagement. Qu’elle puisse s’inscrire dans un réseau associatif plus large, dans une perspective de collaboration. Une association dans laquelle les égos démesurés ne trouveront pas leur place, une association qui permettra aussi à ses membres de s’épanouir dans un esprit de solidarité.
Bienvenue au sein de CHOOSEHUMANITY !
Mary Wenker